Les temps différentiés

  • Un président par goût et par intérêt, aime se projeter dans le futur. S’il n’aime pas cela, il est fort probable qu’il fera un piètre président, car ce que l’on attend de lui c’est précisément de piloter le futur dans un environnement incertain. S’il a le droit de nourrir une ambition à dix-quinze ans, ce qu’on lui demande c’est d’être très engagé et très impliqué dans la stratégie à 5 ans. Et s’il répond présent, son entreprise sera tous les ans de son temps, c’est-à-dire moderne, innovante, en avance sur ses concurrents, et référent de son marché. Sa compréhension des enjeux des marchés « terrains de jeux » de l’entreprise est essentielle. C’est la cohérence des cibles stratégiques avec les moyens opérationnels qu’il va allouer qui signera son talent.
  • Un DG est tout à fait invité à nourrir des projections stratégiques à cinq ans et au-delà s’il en a le goût, mais ce qu’on attend de lui, c’est la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie retenue avec le président pour les 3 années à venir. Tout ce qui survient de l’environnement doit être exploité ou combattu pour que la cible à trois ans soit atteinte. Sa capacité à « voir » les conséquences de ses décisions sur la vie professionnelle de ses collaborateurs est essentielle, tout comme sa compréhension du métabolisme de l’entreprise. Sa clairvoyance rendra les projets stratégiques possibles et vivants.
  • Si un comité de direction est évidemment sollicité pour définir la stratégie à 3 ans, le rôle opérationnel des membres du comité de direction, réside en leur capacité à réaliser le budget de l’année, soit à 1 an sans devenir opportuniste, c’est-à-dire sans dénaturer la stratégie à trois ans tout en élaborant en permanence la vision future. Leur rôle est essentiel pour embarquer les énergies de l’entreprise avec confiance, ils doivent avoir conscience des conséquences de leurs choix pour leurs collaborateurs, leur bienveillance à l’égard de leurs subalternes est la signature de leur qualité morale et de leur épaisseur humaine.
  • Les cadres de l’entreprise se projettent évidemment à 1 an puisqu’ils sont objectivés sur les réussites de l’année. Ils pensent à l’atteinte des objectifs dans les délais impartis. A ce titre ils ont vraiment besoin de sentir le sens de ce qu’on leur demande de faire, ils sont donc très concernés par la stratégie, ils doivent comprendre l’intelligence des projets, pour mobiliser leurs compétences et leurs équipes de manière ajustée. L’attention qu’ils vont porter à leurs collaborateurs directs qui sont les agents de maîtrise est à l’origine des plus belles réussites mais aussi des échecs les plus minables.
  • Les agents de maîtrise, très concernés par le quotidien nourrissent plutôt une vision à 3 mois, un peu à la manière de quatre saisons, souvent aussi parce que le marché varie selon les mois (vacances, fêtes, rentrée des classes…). Bien évidemment, ils sont extrêmement intéressés par le projet stratégique, les moyens qui vont y être consacrés, et les conséquences sur leurs équipes. Ils sont les maillons les plus sollicités par leurs supérieurs et par leurs collaborateurs, car ils sont à l’interface entre « pensées et actions ». Leur dévouement peut être exceptionnel s’ils sont considérés à leur juste valeur.
  • Les employés et ouvriers peu concernés par les projections dans le futur, sont eux très sollicités pour produire les quantités nécessaires c’est-à-dire par le quotidien. Leur attention est focalisée sur les heures de travail, les heures supplémentaires, les jours de chômage technique, et donc leur capacité à assurer leur vie de famille (conduites d’enfants, rendez-vous médicaux, etc.) malgré des horaires qui varient souvent : Leur temps de projection est celui de la semaine voire la quinzaine. Bien évidemment, cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas intéressés par la stratégie, les projections stratégiques, les prévisions d’activité, les projets d’investissements, les réussites marketing, les tactiques déployées pour garantir les approvisionnements, etc. Il est tout à fait important que les communications internes les renseignent régulièrement.
  • Il est très important de comprendre cela car chaque étage est essentiel à la réalisation d’une colonne « vertébrale » solide. Aucun étage ne peut prédominer, ni être faible. Et pour tenir son rôle il faut qu’il dispose des informations et des prévenances qui s’imposent.
  • L’erreur courante des « chefs » consiste à ne pas s’intéresser à leurs troupes, et à ne pas considérer leurs attentes.
  • Le rapport au temps sera essentiel car la notion de temps différentiés est ici essentielle. Tu dois avoir compris que les forces vives de l’entreprise ne vivent pas au même rythme mental